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LES QUATRAINS DE KHÈYAM.


115

Lorsque l’arbre de mon existence sera déraciné, lorsque mes membres seront dispersés, que l’on fera des cruches de ma poussière et que l’on remplira ces cruches de vin, alors cette poussière revivra (par le vin qu’elle contiendra).

116

Ô toi (Dieu), devant qui le péché est sans conséquence aucune, dis à celui qui possède l’intelligence de proclamer ce point important : qu’aux yeux d’un philosophe il est d’un absurde absolu de faire la prescience divine solidaire du péché[1].

117

D’abord, il m’a donné l’être sans mon assentiment[2], ce qui fait que ma propre existence me jette dans la stupéfaction. Ensuite, nous quittons ce monde à regret et sans y avoir compris le but de notre venue, de notre halte, de notre départ.

118

Lorsque mes péchés me reviennent à la mémoire, le feu qui alors s’allume dans mon cœur fait ruisseler mon front ; et pourtant il est bien établi que, lorsqu’un esclave se repent, le maître généreux lui pardonne[3].

  1. Allusion à l’incompatibilité qui existe entre la prescience divine et les tourments qu’au delà de la tombe Dieu réserve aux pécheurs, selon la théorie des docteurs orthodoxes.
  2. Dans le texte il y a[Texte en persan], mot qui signifie agitation, surprise, trouble, en sur-saut, etc. mais qu’ici on ne saurait traduire, ce me semble, que par assentiment, consentement par surprise, etc.
  3. Khèyam revient invariablement, on le voit, à cette perpétuelle ironie contre les moullahs et leur croyance sur la doctrine des récompenses et des peines futures. Selon notre poëte, en admettant même cette doctrine, en opposition avec ia miséricorde illimitée de Dien, un simple mortel pardonne à son esclave repentant, à plus forte raison le Créateur pardonnera-t-il à sa créature.