Page:Nicolas - Les Quatrains de Khèyam.djvu/62

Cette page n’a pas encore été corrigée
36
LES QUATRAINS DE KHÈYAM.


63

Si je bois du vin, ce n’est pas pour ma propre satisfaction ; ce n’est pas pour commettre du désordre ou pour m’abstenir de religion et de morale : non, c’est pour respirer un moment en dehors de moi-même. Aucun autre motif ne me sollicite à boire et à m’enivrer.


64

On affirme qu’il y aura, qu’il y a même un enfer. C’est une assertion erronée ; on ne saurait y ajouter foi, car, s’il existait un enfer pour les amoureux et les ivrognes, le paradis serait, dès demain, aussi vide que le creux de ma main.


65

On m’engage à ne point boire de vin durant le mois de chèèban, parce que c’est défendu, ni même pendant le mois de rèdjèb, parce que c’est un mois consacré à Dieu. C’est juste ; ces deux mois appartiennent à Dieu et au Prophète ; buvons-en donc dans le mois de rèmèzan, puisque c’est un mois qui nous est réservé[1].


66

Le mois de rèmèzan est venu, la saison du vin est finie, oui, les jours de ce vin limpide et de nos habitudes si simples ont fui loin de nous. Hélas ! notre provision de vin nous reste intacte, et les jeunes femmes que nous avons rencontrées sont dans une cruelle attente[2].

  1. Ce quatrain renferme un sarcasme sanglant à l’adresse des docteurs de l’islamisme ; car, d’après leur opinion basée sur le Koran, le mois de rèmèzan, durant lequel le jeûne le plus sévère est rigoureusement recommandé aux fidèles, est considéré comme beaucoup plus sacré que tes deux mois qui précèdent, et dont l’un, chèèban, est le huitième, et l’autre, rèdjèb, le troisième de l’année musulmane.
  2. Ce quatrain est aussi ironique que le précédent et s’applique aux moullahs, qui, selon Khèyam, ne sont pas hommes à se priver, durant un mois entier, des plaisirs qu’ils ont sous la main, et auxquels ils ont tant moyen de se livrer en cachette, tout en se montrant ostensiblement zélés parti- sans du jeune. Quant à ces périphrases, Les jeunes femmes que nous avons rencontrées, et, sont dans une cruelle attente, elles remplacent deux mots que les convenances européennes ne permettent pas de traduire, et que les orientalistes pourront vérifier dans le texte.