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LES QUATRAINS DE KHÈYAM.


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Imite la tulipe[1] qui fleurit au noorouz[2] ; prends comme elle une coupe dans ta main, et, si l’occasion se présente, bois, bois du vin avec bonheur, en compagnie d’une jeune beauté aux joues colorées du teint de cette fleur, car cette roue bleue[3], comme un coup de vent, peut tout à coup venir te renverser[4].


41

Puisque les choses ne doivent pas se passer suivant nos désirs, à quoi servent nos desseins et nos efforts ? Nous sommes constamment à nous tourmenter et à nous dire en soupirant de regret : Ah ! nous sommes arrivés trop tard, trop tôt il nous faudra partir !


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Puisque la roue céleste et le destin ne t’ont jamais été favorables, que t’importe de compter sept cieux ou de croire qu’il en existe huit[5] ? Il y a (je le répète) deux jours dont je ne me suis jamais soucié, c’est le jour qui n’est pas venu et celui qui est passé.


43

Ô Khèyam ! pourquoi tant de deuil pour un péché commis ? Quel soulagement plus ou moins grand trouves-tu à te tourmenter ainsi ? Celui qui n’a point péché ne jouira pas de la douceur du pardon. C’est pour le péché que le pardon existe ; dans ce cas, quelle crainte peux-tu avoir[6] ?

  1. Comparaison de la coupe appliquée à la tulipe, qui a la forme d’un calice. Cette figure est employée avec une prédilection marquée par presque tous les poètes orientaux.
  2. Nouvelle année persane commençant à l’équinoxe du 21 mars.
  3. Le ciel, dont dépend le sort des humains.
  4. C’est-à-dire : la dernière heure peut sonner au moment où tu t’y attends le moins.
  5. Nous avons déjà fait observer que les astrologues persans croient qu’il existe sept cieux contenant des planètes. Certains docteurs de l’islamisme veulent qu’il y en ait huit, et c’est à cette diversité d’opinions sur un sujet insignifiant, dont, selon Khèyam, l’homme sérieux ne devrait pas s’occuper, que le poète fait allusion. C’est au septième de ces cieux que se trouve le paradis de Mohammed, où coule un ruisseau de vin limpide, et où les houris, toujours vierges, sont destinées à faire le bonheur des vrais croyants. Le Prophète, lui, parle de la création des sept cieux. (Voyez le Koran, verset 11, chapitre L’explication.)
  6. Épigramme sanglante contre les docteurs de l’islamisme, défenseurs zélés de la doctrine des récompenses et des peines futures, que les soufis rejettent comme incompatibles avec leur croyance de la prédestination.