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PRÉFACE

aimait surtout à s’entretenir et à boire avec ses amis, le soir au clair de la lune sur la terrasse de sa maison, assis sur un tapis, entoure de chanteurs et de musiciens[1], avec un échanson qui, la coupe à la main, la présentait à tour de rôle aux joyeux convives réunis[2]. Nous croyons ne pouvoir mieux terminer cette rapide esquisse biographique et historique[3], qu’en empruntant à la vie même et aux œuvres de notre poète deux citations très-caractéristiques.

Pendant une de ces soirées dont nous venons de parler, survient à l’improviste un coup de vent qui éteint les chandelles et renverse à terre la cruche de vin, placée imprudemment sur le bord de la terrasse. La cruche fut brisée et le vin répandu. Aussitôt Khèyam, irrité, improvisa ce quatrain impie à l’adresse du Tout-Puissant :

  1. Cet usage existe encore de nos jours en Perse, bien que les Persans d’aujourd’hui, plus civilisés que leurs ancêtres, préfèrent s’asseoir au bord d’un ruisseau où coule une eau limpide, dans un jardin à l’ombre d’un saule ou auprès d’un bassin, où le chant du rossignol vient charmer leurs oreilles, et qu’ils aient substitué la carafe en cristal à la cruche en terre cuite, et le verre à pied à la coupe de cuivre.
  2. Il n’est pas rare de voir encore à présent en Perse, même dans les familles aisées, un seul verre ou une seule coupe pour plusieurs personnes, qui toutes boivent à tour de rôle et en observant le rang de chacune d’elles. Il en est de même pour le calian « pipe à eau, » que le piche-khédmet présente tour à tour aux convives réunis, en observant également le rang de chacun. Lorsqu’il y a erreur, la personne à qui la pipe est offerte s’empresse de la présenter à celle qu’elle considère comme sa supérieure. Cet empressement n’est quelquefois qu’une simple forme de politesse, mais alors la personne qui en est l’objet, si elle est inférieure en rang, doit refuser.
  3. Nous n’avons représenté Khèyam que dans ses attributs de poëte, mais il était en outre astronome et grand algébriste. On peut consulter sur ce côté très-remarquable de sa vie et de ses travaux l’introduction à l’Algèbre d’Omar Alkhayyâmî, publiée, traduite et accompagnée d’extraits de manuscrits inédits, par Woepcke, Paris, 1851, in-8o.