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LES QUATRAINS DE KHÈYAM.


410

Tout ce que tu me dis émane de ta haine (ô moullah) ! tu ne cesses de me traiter d’athée, d’homme sans religion. Je suis convaincu de ce que je suis et je l’avoue ; mais sois juste, est-ce à toi de me traiter ainsi ?


411

Résigne-toi à la douleur si tu veux y trouver un remède, ne te plains pas de tes souffrances si tu veux en guérir. Dans ta pauvreté remercie la Providence, si tu veux qu’un jour enfin les richesses deviennent ton partage.


412

J’ai vu un sage[1] dans la maison d’un homme ivre de la veille. Je lui ai demandé s’il ne pouvait me donner des nouvelles des absents[2]. Il m’a repondu : ^Bois du vin, ami, car beaucoup, semblables à nous, « sont partis et ne sont pas revenus. »


413

Ce que je demande c’est un flacon de vin en rubis, une œuvre de poésie, un instant de répit dans la vie et la moitié d’un pain. Si avec cela je pouvais, ami, demeurer près de toi dans quelque lieu en ruine, ce serait un bonheur préférable à celui d’un sultan dans son royaume[3].


414

Jusques à quand ces arguments sur les cinq[4] et les quatre[5], ô échanson ? En comprendre un, ô échanson ! est aussi difficile que d’en saisir cent mille. Nous sommes tous de terre, ô échanson ! accorde la harpe ; nous sommes tous de vent[6], apporte du vin, ô échanson !

  1. Le texte dit [Texte en persan], un vieillard, lequel, en persan comme en d’autres langues, est synonyme de sage.
  2. C’est-à-dire : j’aurais voulu apprendre de ce sage ce que sont devenus ceux qui sont partis pour l’autre monde.
  3. C’est à Dieu que ie poëte s’adresse ici, c’est avec lui qu’il désirerait demeurer dans un lieu en ruine, durant le court espace de temps qu’il a à rester dans ce monde.
  4. Les cinq sens.
  5. Les quatre éléments.
  6. [Texte en persan] signifie vent, air. Par ce mot, le poëte fait allusion à la brièveté de la vie, qui passe aussi rapidement que le vent, qu’un souffle d’air.