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PRÉFACE

être remis au roi en audience officielle, donna à son favori ses dernières instructions, qui devaient aboutir à la confusion de Hassan. Ce fidèle et adroit serviteur alla trouver le confident, dont, à force de cadeaux, il avait gagné la confiance, et le pria de lui montrer l’admirable mémoire que Nézam-el-Moulk avait déclaré ne pouvoir terminer avant six mois, et que son maître, à lui, avait eu l’habileté de composer en quarante jours. Le confident de Hassan était en ce moment préoccupé, et d’ailleurs, il ne se doutait de rien ; il livra à son ami le dèftèr, liasse de feuillets détachés qui formaient le mémoire[1]. Celui-ci, mettant à profit la distraction du confident, détacha le dèftèr, et en un clin d’œil il confondit l’ordre des feuillets, comme le lui avait si bien recommandé son maître. Ensuite, déposant le dèftèr sur le tapis, il se répandit en éloges pompeux sur l’habileté de Hassan-Sèbbah et de son digne acolyte qui avait si activement participé à cet éminent travail. Quelques heures après Alp-Arslan recevait en grande audience ses ministres et les officiers de l’empire, qui devaient assister à la présentation solennelle du mémoire par Hassan-Sèbbah.

Nézam-el-Moulk se tenait humblement dans un coin de la salle d’audience, attendant le résultat de son stratagème. Sur un signe d’Alp-Arslan, Hassan-Sèbbah déposa aux pieds du monarque un fîhrist, livret au moyen duquel le prince devait appeler, par ordre de provinces, les feuillets contenus dans le dèftèr, que Hassan-Sèbbah venait de prendre des mains

  1. Cet usage est encore de nos jours en vigueur en Perse. Toute la comptabilité des revenus du royaume se trouve consignée sur des feuilles volantes, entassées les unes sur les autres et contenues entre deux planchettes formant une espèce de reliure, le tout ficelé avec une corde de chanvre ou de coton.