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LES QUATRAINS DE KHÈYAM.


294

Voici l’aurore, viens, et, la coupe pleine de vin rose en main, respirons un instant. Quant à l’honneur, à la réputation, ce cristal fragile, brisons-le contre la pierre. Renonçons à nos désirs insatiables, bornons-nous à jouir de l’attouchement des longues chevelures des belles et du son harmonieux de la harpe.


295

En ce monde, où chaque souffle que nous respirons amène un nouveau chagrin, il vaut mieux n’y jamais respirer un instant sans une coupe de vin à la main. Quand le souffle de l’aurore se fera sentir, lève-toi donc et de temps à autre vide, vide la coupe, car (je te l’ai dit) bien longtemps encore cette aurore respirera quand nous ne respirerons plus.


296

Commettrais-je tous les péchés de l’univers que ta miséricorde, j’ose le croire, me tendrait la main. N’as-tu pas promis de me la tendre le jour où je serai la proie des infirmités[1] ? (Accomplis ta promesse et, pour cela,) n’exige pas un état plus affreux que celui où tu me vois en ce moment.


297

Si je suis ivre de vin vieux ; eh bien ! je le suis. Si je suis infidèle, guèbre ou idolâtre ; eh bien ! je le suis. Chaque groupe d’individus s’est formé une idée sur mon compte. Mais qu’importe, je m’appartiens et je suis ce que je suis.

  1. Allusion au verset 62 du Koran (chapitre Le croyant), où Dieu dit : « Invoquez-moi, je vous exaucerai. » Le poëte cite ce verset comme diamétralement opposé à ceux qui précèdent et à d’autres qui suivent, où il est écrit que les incrédules ne peuvent avoir aucun espoir de pardon, quelque prétention qu’ils en aient.