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LES QUATRAINS DE KHÈYAM.


285

Bien que ce soit par devoir que je me suis rendu à la mosquée, ce n’est certes pas pour y faire la prière. Un jour, j’y ai volé un sédjaddèh[1]. Ce sédjaddèh s’est usé ; j’y suis revenu et puis revenu encore.


286

Ne nous laissons plus abattre par le chagrin que nous causent les vicissitudes d’ici-bas. Ne nous occupons plus qu’à boire du vin pur, limpide et couleur de rose. Le vin, ami, c’est le sang du monde. Le monde est notre meurtrier ; comment résister à boire le sang du cœur de celui qui verse le nôtre ?


287

Pour l’amour que je te porte, je suis prêt à subir toute sorte de blâme, et si je transgresse mon serment, je me soumets à en subir la peine. Oh ! eussé-je à endurer jusqu’au jour dernier les tourments que tu me causes, que cet espace de temps me semblerait encore trop court !


288

Nous sommes arrivés trop tard dans ce cercle des êtres, et nous y sommes descendus au-dessous de la dignité humaine. Oh ! puisque la vie ne s’y passe pas selon nos vœux, mieux vaut encore qu’elle finisse, car nous en sommes rassasiés !


289

Puisque le monde est périssable, je veux n’y pratiquer que la ruse, je veux n’y penser qu’à la joie, qu’au vin limpide. On me dit : Puisse Dieu t’y faire renoncer ! Puisse-t-il, au contraire, ne point me donner un ordre pareil, car, me le donnât-il, je n’obéirais pas !

  1. Le sédjaddèh désigne le petit tapis sur lequel les musulmans ont l’habitude de faire leurs prières. Voler un sédjaddèh dans la mosquée, signifie : Y aller par ostentation, par hypocrisie, s’y montrer dans le but d’y gagner de la considération, et, par suite, d’amasser des richesses aux dépens des crédules. — C’est une satire continuelle de la part du poëte qui joue, en outre, sur les différentes acceptions du mot niyâz, [Texte en persan], que nous avons déjà développées plus haut, (Voyez note 1, quatrain 227.)