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LES QUATRAINS DE KHÈYAM.


268

Tu m’as formé d’eau et de terre, qu’y puis-je faire ? Cette laine ou cette soie, c’est toi qui l’as tissée, qu’y puis-je faire[1] ? Le bien que je fais, le mal que je commets, c’est toi qui m’y as prédestiné ; qu’y puis-je faire ?


269

Ô ami ! viens à moi, ne nous soucions pas du jour de demain et considérons comme un butin ce court instant d’existence. Demain, quand nous aurons abandonné cette vieille résidence (le monde), nous serons les compagnons contemporains de ceux qui l’ont quittée depuis sept mille ans !


270

Applique-toi à n’être jamais un moment privé de vin, car c’est le vin qui donne du reflet à l’intelligence, au cœur de l’homme, à la religion. Si le diable en avait goûté un seul instant, il aurait adoré Adam et aurait fait devant lui deux mille génuflexions[2].


271

Lève-toi et frappe des pieds , afin que, nous frappions des mains[3]. Buvons en présence des belles aux yeux langoureux du narcisse. Le bonheur n’est pas très-grand quand on n’a vidé qu’une vingtaine de coupes ; il est étrangement complet quand on arrive à la soixantième.

  1. Figure allégorique pour dire : C’est toi qui as fait la matière dont je suis composé. Si elle est de laine, c’est-à-dire méprisable (allusion au manteau des derviches), c’est de toi qu’elle vient ; si elle est de soie, c’est-à-dire estimable (allusion aux vêtements somptueux des fidèles), c’est toi qui l’as voulu. En quoi donc suis-je coupable ? On trouve une pensée analogue, ci-dessus, quatrain 174.
  2. Allusion à un passage du Koran (verset 31 du chapitre La vache), où il est dit qu’Eblis (le diable) refusa d’adorer le premier homme comme Dieu le lui ordonnait. Si on lui eût donné du vin, il aurait obéi.
  3. C’est-à-dire : Lève-toi, ô danseur ! danse, afin que nous t’accompagnions en frappant des mains ou en faisant claquer nos doigts.