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LES QUATRAINS DE KHÈYAM.


251

Ô roue des cieux ! tu es d’une ingratitude à toute épreuve[1]. Tu me tiens constamment nu comme un poisson. La roue du tisserand tisse des habits pour les humains : elle est donc plus charitable que toi, ô roue des cieux !


252

Ô Khèyam ! le temps est honteux de celui qui laisse attrister son cœur par les vicissitudes d’ici-bas ; bois donc, au son de la harpe, du vin dans du cristal, bois avant que ce cristal se heurte contre une pierre[2].


253

Si la rose ne devient pas notre partage, ne nous reste-t-il pas les épines ? Si la lumière (divine) ne vient pas jusqu’à nous, n’avons-nous pas le feu (de l’enfer) ? Si nous n’avons ni manteau (clérical), ni temple, ni pontife, ne nous reste-t-il pas les cloches, l’église, l’éphod[3] ?


254

Si la roue des cieux me refuse la paix, ne suis-je pas prêt à la guerre ? Si je n’ai pas une réputation honorable, n’ai-je pas pour moi la honte ? Voici la coupe, pleine d’un vin couleur de rubis : celui qui n’en voudra point boire, ne voilà-t-il pas sa tête et une pierre[4] ?


255

Vois l’aurore qui apparaît. Elle a déjà déchiré le voile de la nuit. Lève-toi donc, vide la coupe du matin. Pourquoi cette tristesse ? Bois, ô mon cœur ! bois, car ces aurores se succéderont, la face tournée vers nous, quand nous aurons la nôtre tournée vers la terre.

  1. Le texte dit : [Texte en persan], ô roue des cieux ! tu ne connais ni pain ni sel. Locution qui signifie littéralement : Tu es d’une ingratitude com- plète, à toute épreuve.
  2. Allusion à la courte durée de la vie, comparée par notre poëte à la fragilité du verre.
  3. Encore une épigramme à l’adresse des moullahs, qui prétendent que les soufis, rejetant la doctrine du Koran, ne peuvent s’appuyer sur rien et que, par conséquent, ils n’ont rien à espérer.
  4. Ce quatrain est conçu dans le même esprit que le précédent. Par cette exprèssion : celui qui n’en voudra point boire, etc. le poëte fait comprendre aux dévots, que, méprisant le vin, ils méritent le châtiment d’être lapidés, ou d’avoir la tête cassée d’un coup de pierre.