Bien que le vin soit défendu[1], bois-en sans cesse, bois-en soir et matin, bois-en au bruit des chansons, au son de la harpe. Quand tu pourras t’en procurer, de celui-là qui brille comme le rubis, jettes-en une goutte à terre et bois tout le reste[2].
La diversité des cultes divise le genre humain en soixante et douze nations environ. Au milieu de tous ces dogmes, j’ai choisi celui de ton amour. Que signifient ces mots : Impiété, islamisme, culte, péché ? Mon véritable but, c’est toi. Loin de moi donc tous ces vains prétextes (indifférents !)
Enumère mes qualités une à une ; mes défauts, passe-les-moi par dizaine. Chaque péché commis, pardonne-le pour l’amour de Dieu. N’attise pas le feu de la haine par le souffle de tes passions ; pardonne-nous (plutôt) en mémoire de la tombe du Prophète de Dieu (Mohammed)[3].
En vérité, le vin dans la coupe est un esprit limpide ; dans le corps du flacon, c’est une âme transparente. Aucune personne déplaisante[4] n’est digne de ma société. Il n’y a que la coupe de vin qui puisse y figurer, car elle est à la fois un corps solide et diaphane.
- ↑ Prohibé suivant les légistes de l’islamisme et non suivant le Koran.
- ↑ Cet ancien usage de verser à terre une goutte de vin avant de vider la coupe est encore pratiqué en Perse. C’est un signe de libéralité et en même temps un avertissement que le buveur doit vider la coupe jusqu’à la dernière goutte.
- ↑ Prière railleuse à l’adresse des moullahs.
- ↑ Le jeu de mot [Texte en persan] qui, dans le troisième
hémistiche, signifie déplaisant, ennuyeux,
désagréable, et, dans le quatrième,
un corps lourd, compacte, solide, que le
poëte, exaltant la pureté du vin, emblème
de la Divinité, qualifie de corps diaphane,
donne à ce quatrain un piquant qu’il ne
saurait avoir dans une traduction. Sè’èdi a
souvent employé ce mot [Texte en persan], qui signifie
aussi cher, d’un prix élevé, précieux, dans le
sens de désagréable, comme dans ces vers :
[Texte en persan]
« Lorsqu’une personne désagréable se présentera au milieu de ta société, lève-toi aussitôt et éteins la chandelle. Si c’est une personne ayant le sourire enchanteur sur ses douces lèvres, saisis-la par la manche et éteins la chandelle. »
On éteint la chandelle pour ne point voir la première (désagréable) ; on l’éteint pour empêcher la seconde (agréable) de trouver la porte pour s’en aller.