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LES QUATRAINS DE KHÈYAM.


239

Que la crainte des choses futures ne fasse point jaunir tes joues ; que les choses présentes ne te fassent point frémir d’effroi[1] ; jouis, dans ce monde de néant, de la part de plaisir qui te revient, n’attends pas pour cela que les faveurs du ciel te soient retirées.


240

Si tu veux m’écouter, je te donnerai un conseil. (Le voici :) Pour l’amour de Dieu ne revêts pas le manteau de l’hypocrisie. L’éternité est de toute heure, et ce monde n’est que d’un instant. Ne vends donc pas pour un instant l’empire de l’éternité.


241

Jusques à quand vous entretiendrai-je de mon ignorance ? Mon propre néant m’oppresse le cœur. Je vais de ce pas me ceindre les reins de l’éphod des prêtres. Savez-vous pourquoi ? À cause de la façon dont je suis musulman.


242

Ô Khèyam ! quand tu es ivre, sois dans l’allégresse ; quand tu es assis près d’une belle, sois joyeux. Puisque la fin des choses de ce monde c’est le néant, suppose que tu n’es pas, et puisque tu es, livre-toi au plaisir.


243

Hier, j’ai visité l’atelier d’un potier ; j’y ai vu deux mille cruches, les unes parlant, les autres silencieuses. Chacune d’elles semblait me dire : « Où est donc le potier ? Où est l’acheteur de cruches ? Où en est le vendeur[2] ? »

  1. Le texte dit : [Texte en persan] ne dissous pas ton fiel, c’est-à-dire ne frémis pas de peur. On dit aussi : pas (le peur. On dit aussi : [Texte en persan], mon fiel est parti, pour : j’ai eu terriblement peur.
  2. Allusion au retour des humains à la poussière d’où ils sont sortis. Les cruches, en parlant à Khèyam, lui demandent de leur indiquer, parmi elles, quelles sont celles qui ont fait des cruches, celles qui en ont vendu, celles qui en ont acheté ; car toutes, dans l’océan des siècles, ont été des créatures humaines, de conditions différentes durant leur existence, et sont descendues au même niveau, qui est la terre, après leur mort.