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PRÉFACE

s’était plus particulièrement lié, nonobstant la divergence de caractère et d’opinions qui semblait lui indiquer un autre choix. Un jour Khèyam demanda, en manière de plaisanterie, à ses deux amis si une convention passée entre eux et basée sur l’absolue nécessité, pour celui des trois que la fortune favoriserait, de venir en aide aux deux autres en les comblant de ses bienfaits, leur paraîtrait une chose puérile, « Non, non, « répondirent-ils ; l’idée est excellente et nous l’adoptons avec « empressement. » Aussitôt les trois amis se donnèrent la main et jurèrent, le cas échéant, d’être fidèles à leur engagement.

Ce pacte ne fit que stimuler l’émulation des trois jeunes gens. Ils s’appliquèrent à leurs études avec d’autant plus d’ardeur qu’il leur était permis de prétendre, selon la tradition du collège, aux dignités les plus élevées.

Khèyam, d’une nature douce et modeste, était plutôt porté à la contemplation des choses divines qu’aux jouissances de la vie mondaine. Ce penchant et le genre d’étude qu’il cultiva en firent un poëte mystique, un philosophe à la fois sceptique et fataliste, un soufi[1] en un mot comme la plupart des poëtes

  1. La doctrine des soufis, presque aussi ancienne que celle de l’islamisme, enseigne à atteindre, par le mépris absolu des choses d’ici-bas, par une constante contemplation des choses célestes et par l’abnégation de soi-même, à la suprême béatitude, qui consiste à entrer en communication directe avec Dieu. Pour arriver à cette perfection, les soufis doivent passer par quatre degrés différents. Ils désignent le premier de ces degrés par (perdakhté djésmani) ou direction du corps, qui indique que le disciple doit se conformer aux lois établies, aux formes extérieures de la religion révélée, et mener une conduite exemplaire. Le second degré s’appelle (tèrik), sentier, chemin, ou (niaz), désir, nécessité, espérance. Il indique que le disciple peut se dispenser de l’observance des formes extérieures du culte dominant, parce qu’ayant acquis, par sa dévotion mentale, la connaissance de la nature divine, il quitte le culte pratique, (èmèlé djésmani),