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LES QUATRAINS DE KHÈYAM.


172

On nous annonce que la lune de rèmèzan[1] va apparaître et qu’il ne faut plus penser au vin. C’est bien, mais alors je veux, à la fin de celle de chè’èban[2], en boire une quantité telle que je puisse demeurer ivre jusqu’au jour de la fête[3].


173

Si vous êtes mes amis, mettez un terme à vos discours frivoles et, pour adoucir mes chagrins, versez-moi du vin. Lorsque je serai redevenu terre, faites de moi une brique, et placez cette brique dans quelque fissure d’un des murs de la taverne.


174

Le breuvage de notre existence est tantôt limpide, tantôt bourbeux[4]. Nos vêtements sont tantôt de pelas[5], tantôt de bèrd[6]. Tout cela est insignifiant pour un esprit éclairé ; mais est-il insignifiant de mourir ?


175

Personne n’a pénétré les secrets du Principe ; personne n’a fait un pas en dehors de soi-même. J’observe, et je ne vois qu’insuffisance depuis l’élève jusqu’au maître, insuffisance dans tout ce que mère a enfanté.

  1. Mois où le jeûne le plus sévère est recommandé aux fidèles. Boire du vin durant ce mois sacré serait un sacrilège.
  2. Mois qui précède celui de rèmèzan.
  3. Cette fête, célébrée avec beaucoup de pompe en Turquie, a lieu le 1er du mois de chèval.
  4. Allusion à l’inconstance de ce monde, ou à l’injuste répartition parmi les hommes des richesses qu’il contient.
  5. Le pélas est une étoile de laine très-grossière, dont se revêtent ordinairement les derviches.
  6. Le bèrd, au contraire, est une étoffe très-riche qui se fabrique dans l’Arabie méridionale ou l’Yémen.