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LES QUATRAINS DE KHÈYAM.


144

Hélas ! mon cœur n’a pu trouver aucun remède (à ses douleurs) ; mon âme est arrivée au bord de mes lèvres[1] sans avoir atteint l’objet de son amour[2]. Hélas ! ma vie s’est passée dans l’ignorance, et l’énigme de cet amour n’a point été expliquée[3].


145

Dans les régions de l’âme[4], il faut marcher avec discernement ; sur les choses de ce monde il faut être silencieux. Tant que nous aurons nos yeux, notre langue, nos oreilles, nous devons être sans yeux, sans langue, sans oreilles.


146

En ce monde, celui qui possède la moitié d’un pain et qui peut abriter son individu dans un nid quelconque, celui qui n’est ni le maître, ni le serviteur de personne, dis-lui de vivre content, car il possède une bien douce existence.


147

On ne doit pas planter dans son cœur l’arbre de la tristesse. On doit, au contraire, feuilleter toujours le livre de l’allégresse. On doit boire du vin, on doit suivre le penchant de son cœur, car, vois, la longueur du temps que tu as à rester dans ce monde est prompte à mesurer.


148

Ton empire a-t-il gagné en splendeur par mon obéissance (ô Dieu !), et mes péchés ont-ils retranché quelque chose de ton immensité ? Pardonne, Dieu, ne punis pas, car, je le sais, tu punis tard et tu pardonnes tôt[5].

  1. Mon âme est arrivée jusqu’à mes lèvres, pour : je me meurs, je suis sur le point d’expirer, etc.
  2. C’est-à-dire : la Divinité.
  3. C’est-à-dire : l’énigme de l’amour divin dont le genre humain est enivré et que tous les sages de la terre ont vainement essayé d’expliquer.
  4. C’est-à-dire : dans les choses spirituelles.
  5. Ceci est encore une plaisanterie à l’adresse des vrais croyants, car Khèyam, soufi dans toute la force du terme, n’admet pas, ainsi que nous l’avons fait observer bien des fois, la doctrine des récompenses et des peines futures.