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LA MORT FAIT LE TROTTOIR

Ruby au contraire s’attarda dans la coulisse à bavarder. Elle voulait éviter de se trouver encore une fois seule en tête-à-tête avec Liliane.

Quand elle vint un peu plus tard pour quitter son costume de scène, la loge était vide.

Ruby était découragée. Tout en ôtant son maquillage, elle pensait qu’elle n’aurait sans doute pas la force de supporter le lendemain une nouvelle querelle de sa partenaire. Il faudrait au plus tôt rompre leur association. Mais c’était sacrifier le succès naissant des May Sisters et, abandonnée à elle seule, que pourrait-elle faire dans ce monde qu’elle ne connaissait pas ?

Ce fut tristement qu’elle remit son costume de ville. Ce fut tristement qu’elle gagna la rue.

Le final du deuxième acte tonitruait. Jusqu’à la porte de sortie, on entendait le martèlement rythmé des talons des girls et leurs voix haut placées.

La pluie avait cessé, mais un petit vent aigre musait par les rues, rebroussant le poil des chiens errants. Ruby espérait vaguement que Jean l’attendrait. Mais Jean n’était pas là.

Serrant sur sa gorge son écharpe, elle se dirigea vers « l’Amiral ». C’était encore le secret espoir d’y rencontrer Jean qui la poussait vers ce bar plutôt que vers un autre. Elle s’avouait d’ailleurs que si Jean lui reposait son ridicule : « Ce soir ou jamais », elle dirait : « Ce soir ». Elle n’en pouvait plus d’être seule.