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LA MORT FAIT LE TROTTOIR

Ce fut ce soir-là, pour Ruby, une impression désagréable quand elle dut, à la fin du numéro, laisser les mains de Liliane prendre son corps nu et feindre de se laisser aller, vaincue, dans ses bras. Il lui sembla qu’elle était à la merci de son ennemie, qu’elle était bien l’oiseau à la merci du chasseur. Mais derrière le rideau baissé, les applaudissements crépitaient. De sa poigne dure, Liliane redressa Ruby cambrée en arrière,

— Je te crèverai, fit-elle.

Puis sur son visage elle recolla le sourire de commande, car le régisseur hurlait en coulisse :

— Feux partout. Envoyez pour le rappel.

Et elles vinrent saluer, le rideau relevé rapidement, en se tenant par la main comme deux sœurs unies par un fraternel amour.

Le temps qui leur était donné pour changer de costumes entre leur première apparition et la seconde était si court qu’elles ne purent échanger un mot. Déjà, elles redescendaient le petit escalier de fer tournoyant qui menait des loges au plateau.

Cette fois elles étaient identiquement vêtues d’une très courte culotte collée aux cuisses et d’une blouse à manches flottantes et décolletée en pointe jusqu’à la ceinture. Dans un rythme endiablé, sur une musique frénétique, elles présentaient un numéro de claquettes qu’interrompaient des exercices acrobatiques, pirouettes, renversements, sauts périlleux. Le numéro était assez bref, mais quand elles le terminaient dans un cri strident, la salle trépi-