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LA MORT FAIT LE TROTTOIR

Mais il dut prendre son portefeuille, en tirer un billet qu’il jeta au garçon accouru, en lui criant :

— Ça va ; gardez tout !

Ruby avait déjà eu le temps de gagner la rue. À peine avait-elle fait quelques pas qu’elle s’entendit encore appeler.

Une porte cochère fermée laissait sous son porche un recoin d’ombre. Elle s’y blottit et vit passer devant elle Jean qui se hâtait à sa poursuite.

Elle le laissa s’éloigner. Quand elle se crut certaine qu’il avait perdu sa trace, elle sortit de sa retraite et descendit la rue Frochot pour rentrer chez elle.

L’heure était tardive, les rues presque désertes. On ne voyait guère sur les trottoirs que les portiers des boîtes de nuit qui veillaient sur les autos alignées les unes derrière les autres. Les enseignes cependant appelaient encore les incertains noctambules.

Ruby était triste. Jean avait gâché sa première journée de liberté. Elle ne l’aimait pas, mais il ne lui était pas indifférent et l’idée d’appartenir à ce grand garçon brun, bien découplé, et dont les yeux étaient de feu, ne lui déplaisait pas. Ne devrait-elle pas un jour savoir ce qu’est l’amour ? Mais pourquoi avait-il été si pressé ? Pourquoi avait-il parlé d’argent ? Avec un peu moins de hâte, un peu plus de tendresse, il l’eût eue quand il voulait. Elle-même n’avait-elle pas paru un peu sotte ?