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lorely.

trouve d’heureux contrastes, des transitions imprévues. Sur une phrase lente et grave, le mot de paix flotte comme un souffle divin, et une solennité d’un caractère religieux empreint d’accompagnement instrumental ; après quoi, les fanfares éclatent et les voix se modulent sur un rhythme de marche si mélancolique, que l’oreille l’aspire avidement et le garde longtemps. Les dryades s’avancent comme en silence d’abord, et l’on n’entend qu’un murmure dans les instruments à cordes, si léger qu’il semble un bruissement de feuillage formé par le plus imperceptible souffle. Peu à peu ces sons, à peine distincts, deviennent des mots ; mais ils sont si doucement articulés, le chant est si vaporeux, son accompagnement si diaphane, qu’ils semblent arrivera travers l’écorce des arbres, du fond des calices des plantes, comme un soupir exhalé par une végétation qui emprisonne des âmes.

Le chœur des moissonneurs et moissonneuses est celui qui a excité la plus bruyante admiration dans cette soirée. Un chant d’alouette se dessine avec délicatesse sur une orchestration aussi sobre que fine. Le sentiment en est pur, calme, comme celui d’une allégresse sereine. Nous avons été tenté, dans le premier moment, d’associer dans notre pensée l’impression délicieuse, produite par ces accents vibrants d’une si chaste sonorité, avec celle que réveille dans l’âme le magnifique tableau des Moissonneurs de Robert. Mais, en écoutant encore ce morceau, qu’on a bissé, nous avons senti que la différence de coloris qui existait entre ces œuvres, également belles, inspirées par des sujets analogues, laissait les émotions qu’elles produisent apparentées entre elles, mais non complètement identiques.

Le pinceau de Robert nous retrace une nature plus vigoureuse, et nous sommes surtout frappés par la chaleur des rayons de son soleil, et les brillants reflets de son atmosphère, baignant de leurs riches lumières ces visages mâles, en qui le travail n’a pas abattu un joyeux sentiment de la vie. Les notes de Listz nous font rêver à des organisations plus délicates, plus éthérées, plus poétiquement idéales. Quelque chose du recueil-