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DE PARIS À CYTHÈRE.

table, et c’est l’heure où les visiteurs sont admis dans les salles où il n’est pas, bien entendu.

On nous reçoit d’abord dans la salle des gardes toute garnie de hallebardes, mais gardée seulement par deux factionnaires et autant d’huissiers. Cette salle est peinte en grisailles, figurant des bas-reliefs, des colonnes et des statues absentes, selon les procédés surprenants et économiques de M. Abel de Pujol. Assis sur une banquette d’attente, nous assistons aux allées et venues des officiers et des courtisans. Et ce sont, en effet, de véritables courtisans de comédie, par l’extérieur du moins. Quand M. Scribe nous montre, à l’Opéra-Comique, des intérieurs de cours allemandes, les costumes et les tournures de ses comparses sont beaucoup plus exacts qu’on ne croit. Une dame du palais, qui passait avec un béret surmonté d’un oiseau de paradis, une collerette ébouriffante, une robe à queue et des diamants jaunes, m’a tout à fait rappelé madame Boulanger. Des chambellans chamarrés d’ordres semblaient prêts à se faire entendre sur quelque ritournelle d’Auber.

Enfin le service du roi a passé, escorté par deux gardes. C’est alors que nous avons pu pénétrer dans les autres salles. Je plains fort le roi de ce pays, qui se défend pourtant d’être un monarque constitutionnel, de s’être imposé l’usage d’admettre deux fois par jour une trentaine de personnes dans l’intérieur de son domicile. En sortant de table, il retrouve ses parquets et ses meubles souillés d’empreintes inconnues : ce qu’il touche vient d’être touché ; l’air est encore plein d’haleines impures ; des Anglais ont gravé furtivement leurs noms sur les glaces et sur les marbres des consoles. Qui sait ce qu’on a pris, et qui sait ce qu’on a laissé ? Cela me rappelle qu’un jour on m’a fait voir, à Trianon, le lavabo du duc de Nemours à côté de celui de Joséphine, et un petit morceau de savon dont le prince s’était servi la dernière fois qu’il y avait couché.

Je m’abstiendrai de décrire en détail l’intérieur du palais de Munich, dont tous les Guides de voyageurs ont énuméré les richesses artistiques. Ce qu’il faut le plus remarquer, c’est la salle