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DE PARIS À CYTHÈRE.

Mais il n’y a de dénoûment qu’au théâtre : la vérité n’en a jamais.

Veux-tu savoir maintenant le nom de l’attaché ?… C’était mon cousin Henri, parti de Paris en même temps que moi, et plus maltraité encore en chaise de poste que je ne l’ai été dans les véhicules modestes que j’ai rencontrés.

Au fond, ces malheurs m’épouvantent ; pourquoi n’attendrais-je pas le printemps dans cette bonne ville de Genève, où les femmes sont si jolies, la cuisine passable, le vin, notre vin de France, et qui ne manque, hélas ! que d’huîtres fraîches et de carpes du Léman, le peu qu’on en voit nous venant de Paris.

Si je change de résolution, je te l’écrirai.


iii — PAYSAGES SUISSES


Me voici donc parvenu à Genève : par quels chemins, hélas ! et par quelles voitures ! Mais, en vérité, qu’aurais-je à t’écrire, si je faisais route comme tout le monde, dans une bonne chaise de poste ou dans un bon coupé, enveloppé d’un cache-nez, de paletots et de manteaux, avec une chancelière et un rond sous moi ?… J’aime à dépendre un peu du hasard : l’exactitude numérotée des stations des chemins de fer, la précision des bateaux à vapeur arrivant à heure et à jour fixes, ne réjouissent guère un poëte, ni un peintre, ni même un simple archéologue, ou collectionneur comme je suis.

La vie sensuelle de Genève m’a tout à fait remis de mes premières fatigues. — Où vais-je ? Où peut-on souhaiter d’aller en hiver ? Je vais au-devant du printemps, je vais au-devant du soleil… Il flamboie à mes yeux dans les brumes colorées de l’Orient. — L’idée m’en est venue en me promenant sur les hautes terrasses de la ville, qui encadrent une sorte de jardin suspendu. Les soleils couchants y sont magnifiques.

Je n’ai nulle envie non plus de t’amuser beaucoup de mes dangers et de mes mésaventures, comme l’auteur fameux du