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APPENDICE.

L’histoire porte qu’après que Mustanser fut calife, on lui tendit une tapisserie figurée où il y avait le portrait d’un cheval et d’un homme dessus, portant en tête un turban environné d’un cercle fort grand, avec de l’écriture en persan. Le Mustanser fit venir, pour en avoir la traduction, un Persan qui changea aussitôt de visage : « Je suis, lut-il, Siroès, fils de Cosroès, qui ai tué mon père et n’ai joui du royaume que six mois. » Le Mustanser pâlit, se leva de son siège, et ne régna non plus que six mois. »

À l’Alhambra de Grenade, on peut aussi voir deux tableaux peints sur peau, du temps des Arabes, et décorant le plafond d’une salle. L’un représente le jugement de la sultane adultère, l’autre le massacre des Abencerages dans la cour des Lions. Théophile Gautier remarque que la fontaine représentée sur cette dernière peinture, et qui est toute dorée, n’a pas la même forme que celle d’aujourd’hui.

Les Turcs ont beaucoup de préjugés particuliers à leur race et aux diverses sectes religieuses établies dans leur sein. Tel est celui qui les porte à ne construire aucune maison de pierre, ni de brique, parce que, disent-ils, la maison d’un homme ne doit pas durer plus que lui. Constantinople est entièrement construite en bois, et les palais mêmes du sultan, les plus modernes, qui ont des colonnes de marbre par centaines, présentent partout des murailles de bois, où la peinture seule imite le ton de la pierre ou du marbre. En Syrie, en Égypte, partout ailleurs où règne la loi musulmane, mais où les Turcs n’ont pourtant que la souveraineté politique, les villes sont bâties de matériaux solides, comme les nôtres ; le Turc seul, pacha, bey ou simple particulier riche, en possession des plus beaux palais, ne peut se résoudre à habiter dans la pierre, et se fait construire à part des kiosques en bois de charpente, abandonnant le reste de l’édifice aux esclaves et aux chevaux.

Telle est la puissance de certaines idées sur le Turc de race ; il n’a ni la préoccupation de l’avenir, ni le culte du passé. Il est campé en Europe et en Asie, rien n’est plus vrai ; toujours sauvage comme ses pères, Mongols où Kirguises, n’ayant