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VOYAGE EN ORIENT.


IV — MELLO


Pendant le premier repos de cette séance, on s’entretint des diverses émotions qu’avait causées le récit. Un des assistants, qu’à ses bras colorés de bleu, on pouvait reconnaître pour un teinturier, paraissait ne pas s’unir au sentiment d’approbation qui avait accueilli la scène précédente. Il s’approcha du conteur et lui dit :

— Frère, tu avais annoncé que cette histoire concernait toutes les classes d’ouvriers, et cependant je vois que, jusqu’à présent, elle est toute à la gloire des ouvriers en métaux, des charpentiers et des tailleurs de pierre… Si cela ne m’intéresse pas davantage, je ne reviendrai pas dans ce café, et plusieurs autres en feront autant.

Le cafetier fronça le sourcil et regarda son conteur avec un sentiment de reproche.

— Frère, répondit le conteur, il y aura quelque chose aussi pour les teinturiers… Nous aurons occasion de parler du bon Hiram de Tyr, qui répandait dans le monde de si belles étoffes de pourpre et qui avait été le protecteur d’Adoniram…

Le teinturier se rassit, la narration recommença.

C’est à Mello, ville située au sommet d’une colline d’où l’on découvrait dans sa plus grande largeur la vallée de Josaphat, que le roi Soliman s’était proposé de fêter la reine des Sabéens. L’hospitalité des champs est plus cordiale : la fraîcheur des eaux, la splendeur des jardins, l’ombre favorable des sycomores, des tamarins, des lauriers, des cyprès, des acacias et des térébinthes éveille dans les cœurs les sentiments tendres. Soliman aussi était bien aise de se faire honneur de son habitation rustique ; puis, en général, les souverains aiment mieux tenir leurs pareils à l’écart, et les garder pour eux-mêmes, que de s’offrir avec leurs rivaux aux commentaires des peuples de leur capitale.