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LES FEMMES DU CAIRE.

reste est embrigadé et travaille pendant quelques semaines ou quelques mois, selon l’importance » des choses à exécuter.

Que dire de tout cela ? L’Égypte en est encore au moyen âge. Ces corvées se faisaient jadis au profit des beys mamelouks. Le pacha est aujourd’hui le seul suzerain ; la chute des mamelouks a supprimé le servage individuel, voilà tout.


III — LES KHOWALS


Après avoir déjeuné à l’hôtel, je suis allé m’asseoir dans le plus beau café du Mousky. J’y ai vu pour la première fois danser des almées en public. Je voudrais bien mettre un peu la chose en scène ; mais véritablement la décoration ne comporte ni trèfles, ni colonnettes, ni lambris de porcelaine, ni œufs d’autruche suspendus. Ce n’est qu’à Paris que l’on rencontre des cafés si orientaux. Il faut plutôt imaginer une humble boutique carrée, blanchie à la chaux, où pour toute arabesque se répète plusieurs fois l’image peinte d’une pendule posée au milieu d’une prairie entre deux cyprès. Le reste de l’ornementation se compose de miroirs également peints, et qui sont censés se renvoyer l’éclat d’un bâton de palmier chargé de flacons d’huile où nagent des veilleuses, ce qui est, le soir, d’un assez bon effet.

Des divans d’un bois très dur, qui règnent autour de la pièce, sont bordés de cages en palmier, servant de tabourets pour les pieds des fumeurs, auxquels on distribue de temps en temps les élégantes petites tasses (fines-janes) dont j’ai déjà parlé. C’est là que le fellah en blouse bleue, le Cophte au turban noir, ou le Bédouin au manteau rayé, prennent place le long du mur, et voient sans surprise et sans ombrage le Franc s’asseoir à leurs côtés. Pour ce dernier, le kahwedji sait bien qu’il faut sucrer la tasse, et la compagnie sourit de cette bizarre préparation. Le fourneau occupe un des coins de la boutique et en est d’ordinaire l’ornement le plus précieux. L’encoignure qui le surmonte, garnie de faïence peinte, se dé-