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VOYAGE EN ORIENT.

voilà le rapport établi, voilà pourquoi les Druses parlent de leurs coreligionnaires d’Europe, dispersés dans divers pays, et principalement dans les montagnes de l’Écosse (djebel-el-Scouzia). Ils entendent par là les compagnons et maîtres écossais, ainsi que les rose-croix, dont le grade correspond à celui d’ancien templier[1].

Mais tu sais que je suis moi-même l’un des enfants de la veuve, un louveteau (fils de maître), que j’ai été nourri dans l’horreur du meurtre d’Adoniram et dans l’admiration du saint Temple, dont les colonnes ont été des cèdres du mont Liban. Sérieusement, la maçonnerie est bien dégénérée parmi nous ;… tu vois pourtant que cela peut servir en voyage. Bref, je ne suis plus pour les Druses un infidèle, je suis un muta-darassin, un étudiant. Dans la maçonnerie, cela correspondrait au grade d’apprenti ; il faut ensuite devenir compagnon (réfik), puis maître (day) ; l’akkal serait pour nous le rose-croix ou ce qu’on appelle chevalier (kaddosch). Tout le reste a des rapports intimes avec nos loges, je t’en abrège les détails.




Tu vois maintenant ce qui a dû arriver. J’ai produit mes titres, ayant heureusement dans mes papiers un de ces beaux diplômes maçonniques pleins de signes cabalistiques familiers aux Orientaux. Quand le cheik m’a demandé de nouveau ma pierre noire, je lui ai dit que les templiers français, ayant été brûlés, n’avaient pu transmettre leurs pierres aux francs-maçons, qui sont devenus leurs successeurs spirituels. Il faudrait s’assurer de ce fait, qui n’est que probable ; cette pierre doit être le bohomet (petite idole) dont il est question dans le procès des templiers.

  1. Les missionnaires anglais appuient beaucoup sur cette circonstance pour établir parmi les Druses l’influence de leur pays. Ils leur font croire que le rite écossais est particulier à l’Angleterre. On peut s’assurer que la maçonnerie française a la première compris ces rapports, puisqu’elle fonda à l’époque de la Révolution les loges des Druses réunis, des Commandeurs du Liban, etc.