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VOYAGE EN ORIENT.

triarche ni ses douze évêques suffragants ne peuvent être mariés.


V — LE KESROUAN


Nous allâmes le lendemain reconduire le père Adam à Antoura. C’est un édifice assez vaste au-dessus d’une terrasse qui domine tout le pays, et au bas de laquelle est un vaste jardin planté d’orangers énormes. L’enclos est traversé d’un ruisseau qui sort des montagnes et que reçoit un grand bassin. L’église est bâtie hors du couvent, qui se compose à l’intérieur d’un édifice assez vaste divisé en un double rang de cellules ; les pères s’occupent, comme les autres moines de la montagne, de la culture de l’olivier et des vignes. Ils ont des classes pour les enfants du pays ; leur bibliothèque contient beaucoup de livres imprimés dans la montagne, car il y a aussi là des moines imprimeurs, et j’y ai trouvé même la collection d’un journal-revue intitulé l’Ermite de la Montagne, dont la publication a cessé depuis quelques années. Le père Adam m’apprit que la première imprimerie avait été établie, il y a cent ans, à Mar-Hama, par un religieux d’Alep, nommé Abdallah Zeker, qui grava lui-même et fondit les caractères. Beaucoup de livres de religion, d’histoire et même des recueils de contes sont sortis de ces presses bénies. Il est assez curieux de voir en passant au bas des murs d’un couvent des feuilles imprimées qui sèchent au soleil. Du reste, les moines du Liban exercent toute sorte d’états, et ce n’est pas à eux qu’on reprochera la paresse.

Outre les couvents assez nombreux des lazaristes et des jésuites européens, qui aujourd’hui luttent d’influence et ne sont pas toujours amis, il y a dans le Kesrouan environ deux cents couvents de moines réguliers, sans compter un grand nombre d’ermitages dans le pays de Mar-Élicha. On rencontre aussi de nombreux couvents de femmes consacrés la plupart à l’éducation. Tout cela ne forme-t-il pas un personnel religieux bien considérable pour un pays de cent dix lieues