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VOYAGE EN ORIENT.

et à Marie, dans une de ses maisons située sur l’emplacement du vieux Caire, qu’on appelait alors Babylone d’Égypte. Ce Disma, dont les occupations paraissaient lucratives, avait des propriétés partout. On m’avait fait voir déjà, au vieux Caire, dans un couvent cophte, un vieux caveau, voûté en brique, qui passe pour être un reste de l’hospitalière maison de Disma et l’endroit même où couchait la sainte famille.

Ceci appartient à la tradition cophte ; mais l’arbre merveilleux de Matarée reçoit les hommages de toutes les communions chrétiennes. Sans penser que ce sycomore à la haute antiquité qu’on suppose, on peut admettre qu’il est le produit des rejetons de l’arbre ancien, et personne ne le visite depuis des siècles sans emporter un fragment du bois ou de l’écorce. Cependant il a toujours des dimensions énormes et semble un baobab de l’Inde ; l’immense développement de ses branches et de ses surgeons disparaît sous les ex-voto, les chapelets, les légendes, les images saintes, qu’on y vient suspendre ou clouer de toutes parts.

En quittant Matarée, nous ne tardâmes pas à retrouver la trace du canal d’Adrien, qui sert de chemin quelque temps, et où les roues de fer des voitures de Suez laissent des ornières profondes. Le désert est beaucoup moins aride que l’on ne croit ; des touffes de plantes balsamiques, des mousses, des lichens et des cactus revêtent presque partout le sol, et de grands rochers garnis de broussailles se dessinent à l’horizon.

La chaine du Mokatam fuyait à droite vers le sud ; le défilé, en se resserrant, ne tarda pas à en masquer la vue, et mon guide m’indiqua du doigt la composition singulière des roches qui dominaient notre chemin : c’étaient des blocs d’huitres et de coquillages de toute sorte. La mer du déluge, ou peut-être seulement la Méditerranée qui, selon les savants, couvrait autrefois toute cette vallée du Nil, a laissé ces marques incontestables. Que faut-il supposer de plus étrange maintenant ? La vallée s’ouvre ; un immense horizon s’étend à perte de