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LES FEMMES DU CAIRE.

colonels, s’était exposé au péril que supposait le guide. Les Bédouins, survenus à l’improviste, avaient, dit-on, dissipé son escorte et bouché avec de grosses pierres l’entrée de la pyramide, qui n’a guère qu’un mètre et demi en hauteur et en largeur. Un escadron de chasseurs survenu par hasard le tira du danger.

Il est certain que la chose n’est pas impossible et que ce serait une triste situation que de se voir pris et enfermé dans l’intérieur de la grande pyramide. La colonnate (piastre d’Espagne) donnée aux gardiens nous assurait du moins qu’en conscience ils ne pourraient nous faire cette trop facile plaisanterie.

Mais quelle apparence que ces braves gens y eussent songé même un instant ? L’activité de leurs préparatifs, huit torches allumées en un clin d’œil, l’attention charmante de nous faire précéder de nouveau par les petites filles hydrophores dont j’ai parlé, tout cela, sans doute, était bien rassurant.

Il s’agissait de courber la tête et le dos, et de poser les pieds adroitement sur deux rainures de marbre qui règnent des deux côtés de cette descente. Entre les deux rainures, il y a une sorte d’abîme aussi large que l’écartement des jambes, et où il s’agit de ne point se laisser tomber. On avance donc pas à pas, jetant les pieds de son mieux à droite et à gauche, soutenu un peu, il est vrai, par les mains des porteurs de torches, et l’on descend ainsi, toujours courbé en deux, pendant environ cent cinquante pas.

À partir de là, le danger de tomber dans l’énorme fissure qu’on se voyait entre les pieds cesse tout à coup et se trouve remplacé par l’inconvénient de passer à plat ventre sous une voûte obstruée en partie par les sables et les cendres. Les Arabes ne nettoient ce passage que moyennant une autre colonnate, accordée d’ordinaire par les gens riches et corpulents.

Quand on a rampé quelque temps sous cette voûte basse, en s’aidant des mains et des genoux, on se relève, à l’entrée d’une nouvelle galerie, qui n’est guère plus haute que la précédente.