Page:Nerval - Voyage en Orient, I, Lévy, 1884.djvu/187

Cette page a été validée par deux contributeurs.
175
LES FEMMES DU CAIRE.

de la seule merveille du monde que le temps nous ait conservée.

On m’a donné quatre hommes, pour me guider et me soutenir pendant mon ascension. Je ne comprenais pas trop d’abord comment il était possible de gravir des marches dont la première seule m’arrivait à la hauteur de la poitrine. Mais, en un clin d’œil, deux des Arabes s’étaient élancés sur cette assise gigantesque, et m’avaient saisi chacun un bras. Les deux autres me poussaient sous les épaules, et tous les quatre, à chaque mouvement de cette manœuvre chantaient, à l’unisson le verset arabe terminé par ce refrain antique : Eleyson !

Je comptai ainsi deux cent sept marches, et il ne fallut guère plus d’un quart d’heure, pour atteindre la plate-forme. Si l’on s’arrête un instant pour reprendre haleine, on voit venir devant soi des petites filles, à peine couvertes d’une chemise de toile bleue, qui, de la marche supérieure à celle que vous gravissez tendent, à la hauteur de votre bouche, des gargoulettes de terre de Thèbes, dont l’eau glacée vous rafraîchit pour un instant.

Rien n’est plus fantasque que ces jeunes Bédouines grimpant comme des singes avec leurs petits pieds nus, qui connaissent toutes les anfractuosités des énormes pierres superposées. Arrivé à la plate-forme, on leur donne un bakchis, on les embrasse, puis l’on se sent soulevé par les bras de quatre Arabes qui vous portent en triomphe aux quatre points de l’horizon. La surface de cette pyramide est de cent mètres carrés environ. Des blocs irréguliers indiquent qu’elle ne s’est formée que par la destruction d’une pointe, semblable sans doute à celle de la seconde pyramide, qui s’est conservée intacte et que l’on admire à peu de distance avec son revêtement de granit. Les trois pyramides de Chéops, de Chéphren et de Mycérinus, étaient également parées de cette enveloppe rougeâtre, qu’on voyait encore au temps d’Hérodote. Elles ont été dégarnies peu à peu, lorsqu’on a eu besoin au Caire de construire les palais des califes et des soudans.

La vue est fort belle, comme on peut le penser, du haut