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LES FEMMES DU CAIRE.

que les livres d’astrologie, d’histoire et de science ; là aussi, les prêtres devaient trouver refuge. Quant à la troisième, elle n’était destinée qu’à la conservation des cercueils de rois et de prêtres, et, comme elle se trouva bientôt insuffisante, on fit construire les pyramides de Saccaruh et de Daschour. Le but de la solidité employée dans les constructions était d’empêcher la destruction des corps embaumés qui, selon les idées du temps, devaient renaître au bout d’une certaine révolution des astres dont on ne précise pas au juste l’époque.

— En admettant cette donnée, dit le consul, il y a des momies qui seront bien étonnées, un jour, de se réveiller sous un vitrage de musée ou dans le cabinet de curiosités d’un anglais.

— Au fond, observai-je, ce sont de vraies chrysalides humaines dont le papillon n’est pas encore sorti. Qui nous dit qu’il n’éclose pas quelque jour ? J’ai toujours regardé comme impie la mise à nu et la dissection des momies de ces pauvres Égyptiens. Comment cette foi consolante et invincible de tant de générations accumulées n’a-t-elle pas désarmé la sotte curiosité européenne ? Nous respectons les morts d’hier ; mais les morts ont-ils un âge ?

— C’étaient des infidèles, dit le cheik.

— Hélas ! dis-je, à cette époque, ni Mahomet ni Jésus n’étaient nés.

Nous discutâmes quelques temps sur ce point, où je m’étonnais de voir un musulman imiter l’intolérance catholique. Pourquoi les enfants d’Ismaël maudiraient-ils l’antique Égypte, qui n’a réduit en esclavage que la race d’Isaac ? À vrai dire, pourtant, les musulmans respectent en général les tombeaux et les monuments sacrés des divers peuples, et l’espoir seul de trouver d’immenses trésors engagea un calife à faire ouvrir les pyramides. Leurs chroniques rapportent qu’on trouva, dans la salle dite du Roi, une statue d’homme de pierre noire et une statue de femme de pierre blanche debout sur une table, l’un