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VOYAGE EN ORIENT.

songea une nuit que tout se renversait sur la terre, les hommes tombant sur leur visage et les maisons sur les hommes ; les astres s’entre-choquaient dans le ciel, et leurs débris couvraient le sol à une grande hauteur. Le roi s’éveilla tout épouvanté, entra dans le temple du Soleil, et resta longtemps à baigner ses joues et à pleurer, ensuite il convoqua les prêtres et les devins. Le prêtre Akliman, le plus savant d’entre eux, lui déclara qu’il avait fait lui-même un rêve semblable. « J’ai songé, dit-il, que j’étais avec vous sur une montagne, et que je voyais le ciel abaissé au point qu’il approchait du sommet de nos têtes, et que le peuple courait à vous en foule comme à son refuge ; qu’alors vous éleviez les mains au-dessus de vous et tâchiez de repousser le ciel pour l’empêcher de s’abaisser davantage, et que, moi, vous voyant agir, je faisais aussi de même. En ce moment, une voix sortit du soleil qui nous dit : « Le ciel retournera en sa place ordinaire lorsque j’aurai fait trois cents tours. » Le prêtre ayant parlé ainsi, le roi Saurid fit prendre les hauteurs des astres et rechercher quel accident ils promettaient. On calcula qu’il devait y avoir d’abord un déluge d’eau et plus tard un déluge de feu. Ce fut alors que le roi fit construire les pyramides dans cette forme angulaire propre à soutenir même le choc des astres, et poser ces pierres énormes, reliées par des pivots de fer et taillées avec une précision telle, que ni le feu du ciel ni le déluge ne pouvaient certes les pénétrer. Là devaient se réfugier, au besoin, le roi et les grands du royaume y avec les livres et images des sciences, les talismans et tout ce qu’il importait de conserver pour l’avenir de la race humaine.

J’écoutais cette légende avec grande attention, et je dis au consul qu’elle me semblait beaucoup plus satisfaisante que la supposition acceptée en Europe, que ces monstrueuses constructions auraient été seulement des tombeaux.

— Mais, dis-je, comment les gens réfugiés dans les salles des pyramides auraient-ils pu respirer ?

— On y voit encore, reprit le cheik, des puits et des ca-