Page:Nerval - Les Filles du feu.djvu/36

Cette page a été validée par deux contributeurs.
8
LES FILLES DU FEU

On l’a dit encore avec raison, un établissement unique au monde comme celui-là ne devrait pas être un chauffoir public, une salle d’asile, — dont les hôtes sont, en majorité, dangereux pour l’existence et la conservation des livres. Cette quantité de désœuvrés vulgaires, de bourgeois retirés, d’hommes veufs, de solliciteurs sans places, d’écoliers qui viennent copier leur version, de vieillards maniaques, — comme l’était ce pauvre Carnaval qui venait tous les jours avec un habit rouge, bleu clair, ou vert pomme, et un chapeau orné de fleurs, — mérite sans doute considération ; mais n’existe-t-il pas d’autres bibliothèques, et même des bibliothèques spéciales à leur ouvrir ?…

Il y avait aux imprimés dix-neuf éditions de Don Quichotte. Aucune n’est restée complète. Les voyages, les comédies, les histoires amusantes, comme celles de M. Thiers et de M. Capefigue l’Almanach des adresses, sont ce que ce public demande invariablement, depuis que les bibliothèques ne donnent plus de romans en lecture.

Puis, de temps en temps, une édition se dépareille, un livre curieux disparaît, grâce au système trop large qui consiste à ne pas même demander les noms des lecteurs.

La république des lettres est la seule qui doive être quelque peu imprégnée d’aristocratie, — car on ne contestera jamais celle de la science et du talent.

La célèbre bibliothèque d’Alexandrie n’était ouverte qu’aux savants ou aux poëtes connus par des ouvrages d’un mérite quelconque. Mais aussi l’hospitalité y était complète, et ceux qui venaient y consulter les auteurs étaient logés et nourris gratuitement pendant tout le temps qu’il leur plaisait d’y séjourner.

Et à ce propos, — permettez à un voyageur qui en a