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qu’il dit à ma mère qu’au moyen d’un plan hardi, cette citadelle serait emportée sans coup férir. On nous le rapporta mourant vingt-quatre heures après ; il expira sur le seuil de la porte, après m’avoir fait jurer de rester auprès de ma mère, qui lui survécut quinze jours.

J’ai su que dans l’attaque qui eut lieu cette nuit-là, il reçut dans la poitrine le coup de sabre d’un jeune soldat, qui abattit ainsi l’un des plus beaux grenadiers de l’armée du prince de Hohenlohe.

— Mais on nous a raconté cette histoire, dit le major…

— Eh bien ! dit le capitaine Vallier, c’est toute l’aventure du sergent prussien tué par Desroches.

— Desroches ! s’écria Wilhelm ; est-ce du lieutenant Desroches que vous parlez ?

— Oh ! non, non, se hâta de dire un officier, qui s’aperçut qu’il allait y avoir là quelque révélation terrible ; ce Desroches dont nous parlons était un chasseur de la garnison, mort il y a quatre ans, car son premier exploit ne lui a pas porté bonheur.


— Ah ! il est mort, dit Wilhelm en appuyant son front d’où tombaient de larges gouttes de sueur.

Quelques minutes après, les officiers le saluèrent et le laissèrent seul. Desroches ayant vu par la fenêtre qu’ils s’étaient tous éloignés, descendit dans la salle à manger, où il trouva son beau-frère accoudé sur la longue table et la tête dans ses mains.

— Eh bien, eh bien, nous dormons déjà ?… Mais je veux souper, moi, ma femme s’est endormie enfin, et j’ai une faim terrible… Allons, un verre de vin, cela nous réveillera et vous me tiendrez compagnie.

— Non, j’ai mal à la tête, dit Wilhelm, je monte à ma