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les entrevues, on réussit à fonder un parfait accord. Wilhelm embrassa de fort bonne grâce son beau-frère après la signature du contrat. Le jour même, car tout s’était conclu vers neuf heures, les quatre voyageurs partirent pour Metz. Il était six heures du soir quand la voiture s’arrêta à Bitche, au grand hôtel du Dragon.

On voyage difficilement dans ce pays entrecoupé de ruisseaux et de bouquets de bois ; il y a dix côtes par lieue, et la voiture du messager secoue rudement ses voyageurs. Ce fut là peut-être la meilleure raison du malaise qu’éprouva la jeune épouse en arrivant à l’auberge. Sa tante et Desroches s’installèrent auprès d’elle, et Wilhelm, qui souffrait d’une faim dévorante, descendit dans la petite salle où l’on servait à huit heures le souper des officiers.

Cette fois, personne ne savait le retour de Desroches. La journée avait été employée par la garnison à des excursions dans les taillis de Huspoletden. Desroches, pour n’être pas enlevé au poste qu’il occupait près de sa femme, défendit à l’hôtesse de prononcer son nom. Réunis tous trois près de la petite fenêtre de la chambre, ils virent rentrer les troupes au fort, et la nuit s’approchant, les glacis se bordèrent de soldats en négligé qui savouraient le pain de munition et le fromage de chèvre fourni par la cantine.

Cependant Wilhelm, en homme qui veut tromper l’heure et la faim, avait allumé sa pipe, et sur le seuil de la porte il se reposait entre la fumée du tabac et celle du repas, double volupté pour l’oisif et pour l’affamé. Les officiers, à l’aspect de ce voyageur bourgeois dont la casquette était enfoncée jusqu’aux oreilles et les lunettes bleues braquées vers la cuisine, comprirent qu’ils ne seraient