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avec une attention opiniâtre. Wilhelm était d’une taille moyenne, mais bien prise. Ses cheveux blonds étaient rares déjà, comme s’il eût été miné par l’étude ou par les chagrins ; il portait des lunettes bleues à cause de sa vue, si faible, disait-il, que la moindre lumière le faisait souffrir. Desroches apportait une liasse de papiers que le jeune praticien examina curieusement, puis il produisit lui-même tous les titres de sa famille, en forçant Desroches à s’en rendre compte, mais il avait affaire à un homme confiant, amoureux et désintéressé, les enquêtes ne furent donc pas longues. Cette manière de procéder parut flatter quelque peu Wilhelm ; aussi commença-t-il à prendre le bras de Desroches, à lui offrir une de ses meilleures pipes, et à le conduire chez tous ses amis d’Haguenau.

Partout on fumait et l’on buvait force bière. Après dix présentations, Desroches demanda grâce, et on lui permit de ne plus passer ses soirées qu’auprès de sa fiancée.

Peu de jours après, les deux amoureux du banc de l’esplanade étaient deux époux unis par M. le maire d’Haguenau, vénérable fonctionnaire qui avait dû être bourgmestre avant la révolution française, et qui avait tenu dans ses bras bien souvent la petite Emilie, que peut-être il avait enregistrée lui-même à sa naissance ; aussi lui dit-il bien bas, la veille de son mariage : — Pourquoi n’épousez-vous donc pas un bon Allemand ?

Emilie paraissait peu tenir à ces distinctions. Wilhelm lui-même s’était réconcilié avec la moustache du lieutenant, car, il faut le dire, au premier abord, il y avait eu réserve de la part de ces deux hommes ; mais Desroches y mettant beaucoup du sien, Wilhelm faisant un peu pour sa sœur, et la bonne tante pacifiant et adoucissant toutes