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Vers le mois de juin, aux premiers jours, la chaleur était grande, et le banc favori de Desroches se trouvant bien à l’ombre, deux femmes vinrent s’asseoir près du blessé. Il salua tranquillement et continua de contempler l’horizon, mais sa position inspirait tant d’intérêt, que les deux femmes ne purent s’empêcher de le questionner et de le plaindre.

L’une des deux, fort âgée, était la tante de l’autre qui se nommait Emilie, et qui avait pour occupation de broder des ornements d’or sur de la soie ou du velours. Desroches questionna comme on lui en avait donné l’exemple, et la tante lui apprit que la jeune fille avait quitté Haguenau pour lui faire compagnie, qu’elle brodait pour les églises, et queue était depuis longtemps privée de tous ses autres parents.

Le lendemain, le banc fut occupé comme la veille ; au bout d’une semaine, il y avait traité d’alliance entre les trois propriétaires de ce banc favori, et Desroches, tout faible qu’il fût, tout humilié par les attentions que la jeune fille lui prodiguait comme au plus inoffensif vieillard, Desroches se sentit léger, en fonds de plaisanteries, et plus près de se réjouir que de s’affliger de cette bonne fortune inattendue.

Alors, de retour à l’hôpital, il se rappela sa hideuse blessure, cet épouvantail dont il avait souvent gémi en lui-même, lui, et que l’habitude et la convalence lui avaient rendu depuis longtemps moins déplorable.

Il est certain que Desroches n’avait pu encore ni soulever l’appareil inutile de sa blessure, ni se regarder dans un miroir. De ce jour-là cette idée le fit frémir plus que jamais. Cependant il se hasarda à écarter un coin du taffetas