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ne voulez pas de mes fleurs, je les jetterai dans la mer en passant : demain elles seraient fanées.

FABIO. Pauvre fille, cet habit te sied mieux que l’autre, et je te conseille de ne plus le quitter. Tu es, toi, la fleur sauvage des champs ; mais qui pourrait se tromper entre vous deux ? Tu me rappelles sans doute quelques-uns de ses traits, et ton coeur vaut mieux que le sien, peut-être. Mais qui peut remplacer dans l’âme d’un amant la belle image qu’il s’est plu tous les jours à parer d’un nouveau prestige ? Celle-là n’existe plus en réalité sur la terre ; elle est gravée seulement au fond du coeur fidèle, et nul portrait ne pourra jamais rendre son impérissable beauté.

LA BOUQUETIÈRE. Pourtant on m’a dit que je la valais bien, et, sans coquetterie, je pense qu’étant parée comme la signora Corilla, aux feux des bougies, avec l’aide du spectacle et de la musique, je pourrais bien vous plaire autant qu’elle, et cela sans blanc de perle et sans carmin.

FABIO. Si ta vanité se pique, petite fille, tu m’ôteras même le plaisir que je trouve à te regarder un instant. Mais, vraiment , tu oublies qu’elle est la perle de l’Espagne et de l’Italie, que son pied est le plus fin et sa main la plus royale du monde. Pauvre enfant ! la misère n’est pas la culture qu’il faut à des beautés si accomplies, dont le luxe et l’art prennent soin tour à tour.

LA BOUQUETIÈRE. Regardez mon pied sur ce banc de marbre ; il se dé