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ne leur coûterait que la peine de l’écrire. Certainement, d’ailleurs, si cette beauté nous trompait l’un pour l’autre, ce ne serait pas à la même heure. Allons, je crois que l’instant approche, et que je ferais bien de me diriger du côté de la Villa-Reale, qui doit être déjà débarrassée de ses promeneurs et rendue à la solitude, Mais en vérité n’aperçois-je pas là-bas Marcelli qui donne le bras à une femme ?… Je suis fou véritablement ; si c’est lui, ce ne peut être elle… Que faire ? Si je vais de leur côté, je manque l’heure de mon rendez-vous… et, si je n’éclaircis pas le soupçon qui me vient, je risque, en me rendant là-bas, de jouer le rôle d’un sot. C’est là une cruelle incertitude. L’heure se passe, je vais et reviens, et ma position est la plus bizarre du monde. Pourquoi faut-il que j’aie rencontré cet étourdi, qui s’est joué de moi peut-être ? Il aura su mon amour par Mazetto, et tout ce qu’il m’est venu conter tient à quelque obscure fourberie que je saurai bien démêler. — Décidément, je prends mon parti, je cours à la Villa-Reale. (Il revient.) Sur mon âme, ils approchent ; c’est la même mantille garnie de longues dentelles ; c’est la même robe de soie grise… en deux pas ils vont être ici. Oh ! si c’est elle, si je suis trompé… je n’attendrai pas à demain pour me venger de tous les deux !… Que vais-je faire ? un éclat ridicule… retirons-nous derrière ce treillis pour mieux nous assurer que ce sont bien eux-mêmes.


FABIO, caché, MARCELLI ; la signora CORILLA, lui donnant le bras.

MARCELLI. Oui, belle dame, vous voyez jusqu’où va la suffisance de certaines gens. Il y a par la ville un cavalier qui se vante