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C’est un triste moyen seigneur Fabio ; le vin est le plus traître des compagnons ; il vous prend dans un palais et vous laisse dans un ruisseau.

FABIO. Ah ! c’est vous, seigneur Marcelli ; vous m’écoutiez ?

MARCELLI. Non, mais je vous entendais.

FABIO. Ai-je rien dit qui vous ait déplu ?

MARCELLI. Au contraire, vous vous disiez triste et vous vouliez boire, c’est tout ce que j’ai surpris de votre monologue. Moi, je suis plus gai qu’on ne peut dire. Je marche le long de ce quai comme un oiseau ; je pense à des choses folles, je ne puis demeurer en place, et j’ai peur de me fatiguer. Tenons-nous compagnie l’un à l’autre un instant ; je vaux bien une bouteille pour l’ivresse, et cependant je ne suis rempli que de joie ; j’ai besoin de m’épancher comme un flacon de sillery, et je veux jeter dans votre oreille un secret étourdissant.

FABIO. De grâce, choisissez un confident moins préoccupé de ses propres affaires. J’ai la tête prise, mon cher ; je ne suis bon à rien ce soir, et, eussiez-vous à me confier que le roi Midas a des oreilles d’âne, je vous jure que je serais incapable de m’en souvenir demain pour le répéter.

MARCELLI.