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Tenez-vous là comme rêvant en vous-même et composant quelque sonnet ; je vais rôder aux environs pour prévenir toute surprise. (Il sort.)


FABIO, seul.

Je vais la voir ! la voir pour la première fois à la lumière du ciel, entendre, pour la première fois, des paroles qu’elle aura pensées ! Un mot d’elle va réaliser mon rêve ou le faire envoler pour toujours ! Ah ! j’ai peur de risquer ici plus que je ne puis gagner, ma passion était grande et pure, et rasait le monde sans le toucher, elle n’habitait que des palais radieux et des rives enchantées ; la voici ramenée à la terre et contrainte à cheminer comme toutes les autres. Ainsi que Pygmalion, j’adorais la forme extérieure d’une femme ; seulement la statue se mouvait tous les soirs sous mes yeux avec une grâce divine, et de sa bouche, il ne tombait que des perles de mélodies. Et maintenant voici qu’elle descend à moi. Mais l’amour qui a fait ce miracle est un honteux valet de comédie, et le rayon qui fait vivre pour moi cette idole adorée est de ceux que Jupiter versait au sein de Danaé !… Elle vient, c’est bien elle ; oh ! le coeur me manque, et je serais tenté de m’enfuir si elle ne m’avait aperçu déjà !


FABIO, UNE DAME en mantille.

LA DAME, passant près de lui. Seigneur cavalier, de peur qu’on ne donnez-moi le bras, je vous prie, nous observe, et marchons naturellement. Vous m’avez écrit…