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MAZETTO. Parce que, ne vous ayant encore vu que de loin, c’est-à-dire de la scène aux loges, comme vous ne l’avez vue vous-même que des loges à la scène, elle veut connaître avant tout votre tenue et vos manières, entendez-vous ? votre son de voix, que sais-je ! Voudriez-vous que la première cantatrice de San-Carlo acceptât les hommages du premier venu sans plus d’information ?

FABIO. Mais l’oserai-je aborder seulement ? et dois-je m’exposer, sur ta parole, à l’affront d’être rebuté, ou d’avoir, à ses yeux, la mine d’un galant de carrefour ?

MAZETTO. Je vous répète que vous n’avez rien à faire qu’à vous promener le long de ce quai, presque désert à cette heure ; elle passera, cachant son visage baissé sous la frange de sa mantille ; elle vous adressera la parole elle-même, et vous indiquera un rendez-vous pour ce soir, car l’endroit est peu propre à une conversation suivie. Serez-vous content ?

FABIO. O Mazetto ! si tu dis vrai, tu me sauves la vie !

MAZETTO. Et, par reconnaissance, vous me prêtez les vingt louis convenus.

FABIO. Tu les recevras quand je lui aurai parlé.

MAZETTO. Vous êtes méfiant ; mais votre amour m’intéresse, et je l’aurais servi par pure amitié, si je n’avais à nourrir ma famille.