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toute une année ton retour, en demandant de tes nouvelles dans tous les journaux allemands et anglais, et comme tu ne vins pas, ajouta-t-il en hésitant, te croyant morte, je pris Marie.

— Alors garde-la, répliqua Jemmy d’un ton ferme, en accompagnant ces paroles d’un regard où se peignait le mépris le plus profond ; puis elle s’élança encore une fois sur son enfant, le saisit et l’embrassa avec exaltation, puis elle ouvrit la porte...

— Arrête ! arrête ! pour l’amour de Dieu ! s’écria Toffel d’une voix qui faisait deviner ce qu’il avait souffert : il est vrai de dire qu’il l’aimait sincèrement, et n’avait rien négligé pour la retrouver. On avait battu le pays à vingt lieues à la ronde, les annonces des journaux lui avaient aussi coûté maints dollars ; malheureusement, ils circulaient plus particulièrement dans la partie orientale du pays, tandis que Jemmy figurait comme dame d’honneur dans la partie occidentale. Et, malheureusement encore, au bout d’une année, le révérend pasteur Gaspard fit un sermon sur ce beau texte : Melius est nubere quam uri, qu’il rendit très-disertement en langue allemande à Toffel. Celui-ci crut agir en bon protestant, prit une femme bonne et jolie, mais à laquelle manquait cet esprit de contradiction, d’agacerie, ces boutades, ces propos piquants qui réveillaient jadis si à propos son caractère nonchalant.

Telle était la position de notre Toffel, le mari à deux femmes, entre lesquelles il semblait fortement balancer. Les garder toutes deux, comme le patriarche Lamech, quelle apparence ? Enfin, il s’écria : — Allons chez le squire et chez le docteur Gaspard ; allons entendre ce que disent la loi humaine et la loi de Dieu.