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ta à fondre sur le sien, ce qui aurait pu devenir d’autant jolis traits de Marie Lindthal, que depuis un mois entier mistress Toffel n’avait pas rogné ses ongles.

Toffel, qui avait suivi Jemmy, vit avec un juste effroi ces terribles préparatifs, et se jeta de toute sa longueur entre les deux puissances belligérantes. Mais il n’était pas sûr encore que sa médiation fût très efficace, lorsque tout à coup la porte s’ouvrit pour donner entrée au jeune Toffel, suivi de toute une bande d’héritiers d’un autre lit. Cinq années s’étaient écoulées depuis que Jemmy n’avait tenu son jeune fils dans ses bras ; oubliant son ennemie, elle sauta sur lui pour l’embrasser. Le jeune garçon s’effraya, cria très-haut, et courut à sa belle-mère. La pauvre Jemmy resta immobile à sa place ; la fureur et le désir de la vengeance l’avaient abandonnée ; une douleur indicible pénétra son cœur ; elle se dirigea en tremblant vers la porte, saisit le loquet et fut sur le point de tomber à terre. La pauvre femme souffrait horriblement en cet instant ; elle était devenue une étrangère pour son fils, une étrangère pour sa maison, une étrangère dans le monde entier. Elle se remit cependant. Des âmes comme la sienne ne sont pas facilement abattues.

— Comment va mon père ? demanda-t-elle brièvement.

— Mort, répondit Toffel.

— Et ma mère ?

— Morte, fut encore la réponse.

— Et mes frères, mes sœurs ?

— Dispersés dans le monde.

— Ainsi, je les ai tous perdus ! dit-elle de manière à pouvoir à peine être comprise.

— J’ai, reprit Toffel d’un son de voix plus doux, j’ai attendu