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sentiment de la conservation. Durant les années suivantes, elle s’était peut-être sentie flattée des attentions de son adorateur indien ; — mais faire la coquette avec un sauvage, ce n’était, après tout, qu’un pauvre passe-temps, et cela ne pouvait durer à la longue. Ainsi, le vif désir de revoir les lieux sur lesquels se concentraient ses souvenirs prenait chaque jour en elle plus de force. Songer à fuir, c’eût été de sa part une folie pendant la première année ; on l’avait surveillée, durant l’été, avec des yeux d’argus, car son adresse en toute chose la rendait indispensable aux sauvages, et une fuite dans le cours de l’hiver n’était pas plus exécutable. Où aurait-elle trouvé des vivres, un lieu de repos ? Son voyage jusqu’au camp des sauvages avait duré vingt jours ; elle devait donc être à une énorme distance de chez elle, et si, par malheur, on avait connu son projet, son sort eût été horrible.


III. — COMMENT JEMMY REVINT CHEZ JACQUES TOFFEL

Enfin, l’occasion favorable que Jemmy désirait si vivement vint se présenter à l’expiration du cinquième été après son enlèvement. Les hommes étaient partis pour la chasse d’automne ; leurs femmes les avaient accompagnés ; il n’était resté au camp que les plus faibles et les plus âgés. Par le contentement apparent qu’elle avait fait paraître pendant cinq ans, Jemmy était parvenue à calmer les méfiances des Indiens, dont la vigilance s’était affaiblie. Elle avait appris que, par suite de l’accroissement de la population, la colonie avait étendu ses limites, et qu’elle se trouvait