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lendemain, il se fut vêtu de son costume neuf, il se trouva si agréablement surpris et tourné, qu’il mit pour la première fois de côté ces habitudes de respect qu’il avait contractées vis-à-vis de mistress Toffel, et qui l’avaient empêché jusque-là de déclarer un peu plus ouvertement l’affection qu’il ressentait pour elle. Il alla lui rendre une visite. Toute la résidence fut en révolution ; les dames rouges étaient au désespoir. Elles comprirent que ce n’était pas en leur honneur que le nouveau souverain s’était revêtu d’une si brillante toilette, et que ses attentions s’adressaient à la fière Américaine, qui, dans leur opinion, ne pouvait naturellement résister à ce somptueux accoutrement. Et vraiment ni Londres, ni Paris, ni New-York n’auraient pu se vanter d’avoir vu, sur une seule et même personne, une prodigalité d’objets de luxe comme il plut ce jour-là à Tomahawk d’en étaler aux yeux de sa fidèle sujette. Mais aussi il était lui-même resté trois heures, jambes croisées et miroir en main, à admirer avec des yeux brillants de joie ses charmes irrésistibles. Trois larges paillettes d’argent entouraient artistement son nez, auquel était encore suspendu un dollar espagnol ; deux autres dollars pendaient à ses oreilles, et, par une spirituelle inspiration, l’Indien avait orné sa lèvre inférieure d’une sixième pièce de monnaie. Ses cheveux étaient richement entremêlés d’aiguilles de porcs-épics, et du sommet de sa tête descendaient majestueusement trois queues de buffles. Un collier de pas moins de cinquante dents d’alligators ornait son cou, autour duquel serpentait encore un collier plus petit de grandes perles de cristal, trophée qu’il avait conquis dans un combat avec les Chikasaws. Il n’avait pas moins soigné l’habillement des parties inférieures de son