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de transporter son chapeau d’un genou sur l’autre. Enfin cependant il prit courage, et regardant fixement sa voisine, il lui demanda en anglais si elle ne voulait pas le prendre pour mari.

— Que voulez-vous que je fasse d’un Allemand ? Telle fut la réponse un peu dure de la malicieuse Irlandaise, qui, en rabaissant la marchandise qu’elle convoitait, n’avait d’autre but que de se l’assurer à meilleur marché. Mais songez bien à ce qu’était une telle réponse adressée par une petite créature comme Jemmy à un homme comme Toffel, garçon de six pieds, possesseur de trois cents acres de terre et de deux bas bleus garnis.

Toffel n’était rien moins que fier, mais cependant il se leva fort déconcerté, tira son chapeau, et s’apprêtait à sortir en soupirant de la cuisine, lorsque la rusée jeune fille, se glissant entre lui et la porte, lui dit en lui prenant la main : — Et si je vous prends, me promettez-vous d’être bon enfant ? Le dialogue dès lors prit des formes plus précises, et Toffel ne tarda pas à aller rejoindre son gris pommelé, après avoir rudement serré la main de sa future.

Quelques jours après, le ministre protestant Gaspard Ledermaul, ancien tailleur, bénissait le mariage de Jacques Toffel et de Jemmy O’Dougherty, ce qui semblerait devoir mettre fin à notre histoire, si nous en voulions abandonner légèrement les héros, et si l’on ne savait d’ailleurs que les mariages n’offrent pas moins de péripéties que les amours les plus traversés.


II. —