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que le voulaient nos rôles. C’est pourquoi celui d’Achille était mon triomphe ; mais que le choix des autres m’avait embarrassé souvent ! quel malheur de n’oser changer les situations à mon gré et sacrifier même les pensées du génie à mon respect et à mon amour ! Les Britannicus et les Bajazet, ces amants captifs et timides, n’étaient pas pour me convenir. La pourpre du jeune César me séduisait bien davantage ! mais quel malheur ensuite de ne rencontrer à dire que de froides perfidies ! Hé quoi ! ce fut là ce Néron, tant célébré de Rome ? ce beau lutteur, ce danseur, ce poëte ardent, dont la seule envie était de plaire à tous ? Voilà donc ce que l’histoire en a fait, et ce que les poëtes en ont rêvé d’après l’histoire ! Oh ! donnez-moi ses fureurs à rendre, mais son pouvoir, je craindrais de l’accepter. Néron ! je t’ai compris, hélas ! non pas d’après Racine, mais d’après mon cœur déchiré quand j’osais emprunter ton nom ! Oui, tu fus un dieu, toi qui voulais brûler Rome, et qui en avais le droit, peut-être, puisque Rome t’avait insulté !…

Un sifflet, un sifflet indigne, sous ses yeux, près d’elle, à cause d’elle ! Un sifflet qu’elle s’attribue — par ma faute (comprenez bien !), et vous demanderez ce qu’on fait quand on tient la foudre !… Oh ! tenez, mes amis ! j’ai eu un moment l’idée d’être vrai,