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Le lendemain d’un de ces jours-là, le petit bûcheron dit à la pêcheuse : « Te souviens-tu qu’hier je t’ai vue passer là-bas dans les eaux de Challepont avec tous les poissons qui te faisaient cortège... jusqu’aux carpes et aux brochets ; et tu étais toi-même un beau poisson rouge avec les côtés tout reluisants d’écailles en or.

— Je m’en souviens bien, dit la petite fille, puisque je t’ai vu, toi qui étais sur le bord de l’eau, et que tu ressemblais à un beau chêne-vert, dont les branches d’en haut étaient d’or..., et que tous les arbres du bois se courbaient jusqu’à terre en te saluant.

— C’est vrai, dit le petit garçon, j’ai rêvé cela.

— Et moi aussi j’ai rêvé ce que tu m’as dit : mais comment nous sommes-nous rencontrés deux dans le rêve ?...»

En ce moment, l’entretien fut interrompu par l’apparition de Tord-Chêne, qui frappa le petit avec un gros gourdin, en lui reprochant de n’avoir pas seulement lié encore un fagot.

— Et puis, ajouta-t-il, est-ce que je ne t’ai pas recommandé de tordre les branches qui cèdent facilement, et de les ajouter à tes fagots ?

— C’est que, dit le petit, le garde me mettrait en prison, s’il trouvait dans mes fagots du bois vivant... Et puis, quand j’ai voulu le faire, comme vous me l’aviez dit, j’entendais l’arbre qui se plaignait.

— C’est comme moi, dit la petite fille, quand j’emporte des poissons dans mon panier, je les entends qui chantent si tristement, que je les rejette dans l’eau... Alors on me bat chez nous !

— Tais-toi, petite masque ! dit Tord-Chêne, qui paraissait animé par la boisson, tu déranges mon neveu de son travail.