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Champmeslé, ou par les grâces adorables des vierges nobles de Saint-Cyr ! Pauvre Aurélie ! notre compagne, notre sœur, n’auras-tu point regret toi-même à ces temps d’ivresse et d’orgueil ? Ne m’as-tu pas aimé un instant, froide Étoile ! à force de me voir souffrir, combattre ou pleurer pour toi ! L’éclat nouveau dont le monde t’environne aujourd’hui prévaudra-t-il sur l’image rayonnante de nos triomphes communs ? On se disait chaque soir : Quelle est donc cette comédienne si au-dessus de tout ce que nous avons applaudi ? Ne nous trompons-nous pas ? Est-elle bien aussi jeune, aussi fraîche, aussi honnête qu’elle le paraît ? Sont-ce de vraies perles et de fines opales qui ruissellent parmi ses blonds cheveux cendrés, et ce voile de dentelle appartient-il bien légitimement à cette malheureuse enfant ? N’a-t-elle pas honte de ces satins brochés, de ces velours à gros plis, de ces pluches et de ces hermines ? Tout cela est d’un goût suranné qui accuse des fantaisies au-dessus de son âge. Ainsi parlaient les mères, en admirant toutefois un choix constant d’atours et d’ornements d’un autre siècle qui leur rappelaient de beaux souvenirs. Les jeunes femmes enviaient, critiquaient ou admiraient tristement. Mais moi, j’avais besoin de la voir à toute heure pour ne pas me sentir ébloui près d’elle, et pour pouvoir fixer mes yeux sur les siens autant