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LES APHRODITES

La Comtesse. — Sois sans inquiétude à cet égard. Dès le miracle de l’orange[1], il n’y avait plus moyen qu’il doutât de la toute-puissance de mes enchantements. Depuis lors, son égarement n’a cessé de s’accroître. Sa neuvaine, comme tu sais, s’achève après-demain. Ce n’a pas été sans peine, dès aujourd’hui, qu’il a fourni l’émission de ses principes de vie, dont il est persuadé que j’ai besoin pour la composition de l’élixir (en regardant Zéphirine) qui doit

  1. Elle veut parler de cette magnifique orange qu’on se souvient sans doute que Célestine avait présentée à la comtesse. (Voyez page page 10 de ce numéro.) La prétendue sorcière, cinq jours plus tard, se promenant au jardin avec le baronet, avait mis, comme par caprice, ce fruit dans la terre d’un pot à fleur vide et avait fait semblant de lâcher par-dessus un jet d’urine, en observant de bien arrondir ses jupes alentour. En même temps, à ce pot d’excréments escamotés, Gervais, à travers d’une charmille, substituait un pot absolument pareil et que l’Anglais, qui se tenait à deux pas, le dos tourné par décence, ne pouvait manquer de prendre pour le même qu’il venait de voir. Mais pour le coup il voit de plus un jeune oranger de la plus fraîche verdure. La comtesse lui ordonne d’arracher cette faible plante. Il obéit, sous la racine quelque chose brille ;… c’est un médaillon en or. À l’ouverture, l’émerveillé protégé de la fée est frappé de la fraîche image de sa Zéphirine si chérie. En pareil cas, ne vaut-il pas mieux lâcher la bride à toute la folie d’une absurde superstition que de s’alambiquer l’esprit pour arriver enfin à se dire que tant de plaisir ne se doit qu’à un tour de main ?